Le conflit déclenché par la Russie contre l’Ukraine dans la nuit du 24 février risque d’entraîner des sanctions économiques de plus en plus vigoureuses envers la Russie. Celles-ci devraient impacter l’économie russe et perturber sérieusement les relations économiques avec les pays européens. Qu’en est-il des rapports économiques franco-russes et quels sont les craintes pour les entreprises françaises impliquées dans ces échanges ?
Par Eric Orsini
Les entreprises françaises sont bien implantées en Russie, notamment dans le domaine de l’énergie. Selon Bercy, environ 700 filiales d’entreprises françaises y sont implantées et emploient 160 000 salariés dans le pays. Les grands comptes français sur place entretiennent un dialogue direct de haut niveau avec le gouvernement et le président russe via un Conseil économique franco-russe créé en 2010.
La présence économique française
Plus de 50% des investissements français (11 milliards d’euros) sont concentrés dans les industries extractives (pétrole, gaz, services de soutien aux industries extractives) avec une implication dans des projets tels que la construction des installations de Yamal LNG, Artic LNG2 et le gazoduc Nord Stream 2. Ensuite c’est l’industrie manufacturière qui bénéficie des investissement tricolores (1,9 milliard d’euros) essentiellement dans le raffinage, puis viennent ensuite l’industrie chimique et pharmaceutique (701 millions) et l’automobile (477 millions d’euros) avec une tres forte présence du groupe Renault, via sa filiale Avtovaz. Les investisseurs français sont aussi très actifs dans les services, la finance ou le commerce (y compris celui des automobiles) pour 5,2 milliards d’euros. «Pour les acteurs français qui ont investi en Russie, le premier impact d’éventuelles sanctions économiques sera la fragilisation de l’économie russe et une baisse de la demande. Si les sanctions sont très dures, se posera aussi la question du rapatriement des revenus. Et dans le cas de production réalisées en Russie pour être exportées dans d’autres pays étrangers, ce sera la double peine», explique Ano Kuhanathan, économiste chez Euler Hermes.
Logiquement les russes ont tout intérêt à préserver ces relations économiques puisque ces filiales d’entreprises tricolores emploieraient 200.000 travailleurs dans le pays, ce qui fait de la France « le premier recruteur étranger en Russie ». Cette présence est ressentie particulièrement dans les secteurs de l’automobile avec Renault, de la grande distribution avec Auchan et des hydrocarbures avec Total.
Pour les PME et ETI industrielles dont certaines dépendent fortement de leur implantation russe (parfois à hauteur de 40 ou 50 % de leur bénéfice), l’inquiétude est clairement palpable mais la Russie reste un pays avec une inflation à 8 % et en proie à de graves sanctions économiques, il y a donc fort a parier qu’elle optera pour une stratégie économique pragmatique et ne fera rien contre les entreprises françaises sur son sol.
Les menaces potentielles
Pour l’heure, Américains et Européens réflechissent ensemble pour adopter une riposte face à la violation du droit international perpétrée par la Russie et les impacts sur les entreprises françaises dépendront donc des mesures prises. «Dans la gradation des sanctions possibles, l’embargo commercial est une arme ultime, mais il existe toute une panoplie en amont, en particulier en coupant les banques de l’accès au dollar. Pour l’instant, seules deux banques russes ont été interdites de commercer et de se financer en dollars par les Américains », confie Ano Kuhanatan, économiste à l’institut Rousseau.
Pour la Russie, le principal moyen de pression qu’elle possède reste son gaz par lequel elle tient l’Est de l’Europe sous sa dépendance ainsi que les prix élevés de l’énergie depuis 2021. Ses réserves de change sont d’ailleurs bien meilleures qu’en 2014, lorsqu’elle est intervenue pour la première fois dans les territoires de l’Est de l’Ukraine. « La Russie a de quoi couvrir 15 mois d’importations avec ses réserves de change actuelles », précise Ano Kuhanathan.
La période est donc charnière et les dirigeants occidentaux se trouvent face à une situation explosive qui impliquent des décisions compliquées ayant des conséquences qui détermineront l’avenir géostratégique et donc économique de l’Europe.
C’est le cas de Anza, startup ayant développé une solution de production d’énergie sur des sites isolés, venu collecter des informations pour savoir comment exporter sa solution en Afrique. “Je viens de discuter avec des experts de la fiscalité pour savoir comment créer une entité française en Afrique et connaitre les impacts financiers de mon projet. J’ai rencontré aussi BPIFrance sur le volet financement, notamment sur les FASEP et les équipes de la Team France Export pour la recherche d’études de marché sur mon secteur” confie Jean-Claude TUYISHIME, fondateur de Anza. De son côté, Micadan, entreprise familiale de prêt à porter masculin qui ne réalise actuellement que 5% de son chiffre d’affaires à l’export, souhaite booster ses ventes à l’étranger. “Nous souhaitons tout d’abord cibler les marchés européens tels que l’Espagne et la Suisse, et ensuite partir sur des pays comme la Pologne. Je suis venue m’informer sur la manière de déposer un dossier de prospection, découvrir aussi le dispositif VIE.” précise Marie-Odile KEHR, commerciale export de Micadan.
Didier BOULOGNE, Directeur général délégué de Business France explique que la Team France Export propose un maximun de solutions en fonction des problématiques des entreprises et de leurs secteurs. “Nous avons affaire à deux types d’entreprises : Les startups qui savent dès leur genèse qu’elles doivent aller à l’international. Mais il y a aussi les entreprises plus traditionnelles qu’il faut convaincre que l’export est toujours une bonne solution, c’est un moyen de grandir, c’est un pari toujours gagnant !” Alain BENTÉJAC, Président de la Fabrique de l’Exportation déplore que le commerce extérieur ne soit plus vraiment une priorité comme par le passé : “On essaye avec nos partenaires de trouver les moyens pour que la France se projete mieux à l’international. Je pense qu’on a un système plus organisé en France qu’il y a 15 ans pour accompagner à l’export avec la création de la Team France Export. Mais on met beaucoup moins de moyens en France pour accompagner sur les salons internationaux qu’en Italie ou en Espagne.” Géraldine LEMBLÉ, Directrice générale adjointe du MEDEF International insiste sur l’importance du collectif dans l’accompagnement des entreprises à l’export : “Nous organisons 40 missions collectives à l’étranger par an. 95% de nos adhérents sont des PME et ETI. Mais nos membres grands comptes ont aussi besoin du collectif, notamment sur des marchés plus complexes”.
La soirée s’est conclue par un cocktail, l’occasion pour les entreprises participantes de poursuivre les échanges initiés lors des rencontres experts.
Pourtant, quand on sait que 93% des personnes qui se sont engagées sur le sujet souhaitent poursuivre leurs actions car elles donnent du sens à leur travail, cela fait réfléchir (






